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Moscou. Le KGB a appréhendé Piotr Andronov. Important membre de la pègre spécialisé dans le marché clandestin, Andronov est en possession de titres américains vraisemblablement volés. Andronov lie les titres volés à Green Band. Valeur : un million deux cent cinquante mille dollars. Désignés sous le nom « d’échantillons ».
Quelques instants plus tard, un autre message apparaissait sur l’écran de l’ordinateur. En provenance de Genève.
Interpol. Informateur local fiable a signalé « inondation » du marché de Genève par des offres d’obligations volées. Le vendeur cherche un « acheteur sérieux ». Le montant : entre cinq et dix millions de dollars américains. Source très sûre.
— On dirait que le moment de vérité est arrivé, commenta Carroll, qui, les yeux braqués sur l’écran, se mordillait la lèvre inférieure.
— Il se passe indubitablement quelque chose. Mais pourquoi est-ce que tout arrive comme ça, en même temps ?
Pendant l’heure et demie qui suivit – durant laquelle les différents écrans crachèrent un flot incessant de nouvelles informations –, une bonne dizaine de fonctionnaires de l’armée et de la police se pressèrent dans la salle de la cellule de crise pour lire les messages. À présent, les nouvelles affluaient simultanément du monde entier.
Paradoxalement, il régnait un sentiment général de soulagement : il se produisait enfin quelque chose.
Zurich. Rumeurs persistantes de la présence sur notre marché de valeurs américaines volées. En quantités très élevées. Nos sources font état d’un total à sept chiffres.
Londres, Scotland Yard. Découverte de titres américains au cours d’une perquisition de routine à Kensington. Numéros de série suivent. Le suspect est John Hall-Frazier, receleur connu du marché obligataire européen et relation de Michel Chevron.
Beyrouth. Arrestation d’Ahmed Jarrel. Jarrel a essayé de vendre des actions américaines à Beyrouth. Titres de très grande qualité. Également quelques chèques en blanc. Jarrel affirme que la quantité disponible atteindrait les cent millions de dollars !
Une demi-heure plus tard, à l’aide d’une calculatrice, Caitlin additionna les montants communiqués jusque-là. Le total lui coupa le souffle. Il atteignait effectivement les cent millions de dollars. Des « échantillons »…
Elle imprima ensuite la liste des cinq cents plus grosses entreprises privées des États-Unis établie par le magazine Fortune 500, pour la comparer à celle des titres volés dont elle avait connaissance à cette heure.
Presque tous les vols concernaient les cent premières sociétés du pays, conférant un caractère insolite et prestigieux à son inventaire.
Source : Fortune 500
Société Capital actions ($) |
1.Exxon (New York) :29 443 095 000 |
2.General Motors (Détroit) 20 766 600 000 |
3.Mobil (New York) 13 952 000 000 |
5.IBM (Armonk, NY) 23 219 000 000 |
6.Texaco (Harrison, NY) 14 726 000 000 |
8.Standard Oil of Illinois (Chicago) 12 440 000 000 |
9.Standard Oil of California (San Francisco) 14 106 000 000 |
10.General Electric (Fairfield, Connecticut) 11 270 000 000 |
15.U. S. Steel (Pittsburgh) 11 270 000 000 |
17.Sun (Radnor, Pennsylvanie) 5 355 000 000 |
20.ITT (New York) 6 106 084 000 |
26.AT&T Technologies (New York) 4 621 300 000 |
28.Dow Chemicals (Midland, Michigan) 5 047 000 000 |
34.Westinghouse Electric (Pittsburgh) 3 410 300 000 |
39.Amerada Hess (New York) 2 525 663 000 |
42.McDonnell-Douglas (Saint Louis) 2 067 900 000 |
43.Rockwell International (Pittsburgh) 2 367 300 000 |
45.Ashland Oil (Russell, Kentucky) 1 084 824 000 |
50.Lockheed (Burbank, Californie) 826 200 000 |
52.Monsanto (Saint Louis) 3 667 000 000 |
55.Anheuser-Busch (Saint Louis) 1 766 500 000 |
67.Gulf & Western Industries (New York) 1 893 924 000 |
69.Bethlehem Steel (Pennsylvanie) 1 313 100 000 |
77.Texas Instruments (Dallas) 1 202 700 000 |
84.Digital Equipment (Maynard, Mass.) 3 541 282 000 |
89.Diamond Shamrock (Dallas) 2 743 327 000 |
92.Deere (Molline, Illinois) 2 275 967 000 |
97.North American Philips (New York) 883 874 000 |
À neuf heures et quart, la salle de la cellule de crise grouillait de fonctionnaires de la Maison-Blanche et du Pentagone qui, semblables à des joueurs attendant les résultats de leurs paris, scrutaient les écrans. Le secrétaire d’État aux Finances et le vice-président étaient tous deux présents. Phil Berger, le directeur de la CIA, était venu de Washington dans un hélicoptère de l’armée de l’air affrété spécialement.
À onze heures, les rapports urgents continuaient d’arriver en crépitant sur les terminaux. Le Président avait été tenu informé de la situation et une autre réunion du Conseil de sécurité nationale avait déjà été mise sur pied pour plus tard dans la soirée.
Cette fois-ci, néanmoins, ni Arch Carroll ni Caitlin Dillon ne furent invités à se rendre à la capitale fédérale.
Caitlin, fâchée, s’en plaignit à Carroll :
— Mais qu’est-ce j’ai fait, moi ?
— Vous ne fréquentez pas les bonnes personnes, répondit-il. Vous êtes reléguée dans le wagon de queue.
— Avec vous ? s’étonna-t-elle.
— Ouais. Avec moi.